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du désengagement au travail

Mesurer l'engagement des collaborateurs, une priorité des entreprises

Si l’engagement des collaborateurs est le Graal du manager, le désengagement est sa bête noire. Où en est-on dans les entreprises françaises ? D'après le rapport Gallup 2022 (State of the Global Workplace), seuls 6 % des collaborateurs manifesteraient leur engagement pour leurs missions. Nouveauté ? Pas vraiment,  depuis 2016, l’absentéisme augmente en continu et a progressé de 24 %.  

Les collaborateurs français sont-ils aussi désengagés qu’on le dit ? Et à l’échelle de l’entreprise, comment mesurer et détecter le désengagement, le circonvenir, le prévenir ?

Le désengagement des collaborateurs français : mythe ou réalité ?

Comment mesurer le désengagement des collaborateurs à l’échelle « macro » ? Il y a au moins deux façons de le faire :

  • Poser directement la question aux intéressés (« êtes-vous désengagé ? ») ;
  • Ou évaluer indirectement l'engagement à partir d’indicateurs périphériques à la question (par exemple, aimez-vous votre travail ? Allez-vous volontiers au bureau ? Vous sentez-vous bien dans votre entreprise ?...)

Les deux méthodes ont leurs avantages et leurs inconvénients. La première laisse la place aux biais de perception des collaborateurs. On peut limiter cette distorsion en demandant également aux managers quelle part de leurs collaborateurs sont engagés, mais on ne fait alors que croiser deux regards subjectifs. La seconde méthode expose l’enquête aux biais du sondeur lui-même, dans le choix des questions ; le risque est de mesurer des notions voisines du désengagement, mais pas le désengagement lui-même.

Ces dernières années, le ton a été donné par l’édition 2017 du State of the Global Workplace de l’institut Gallup, compilant des chiffres collectés dans le monde entier entre 2014 et 2016. Selon l’étude, abondamment citée dans la presse, seuls 6 % des collaborateurs français se diraient engagés dans leur travail. Et 25 % s’estimeraient activement désengagés. Cinq ans plus tard, rien n'a bougé. Les salariés français stagnent à 6 % d'engagement. Les limites de ces résultats n’ont pas échappé à certains analystes.

On remarque d’abord que la France ne fait pas tellement moins bien que l’Europe (10 % de salariés engagés), elle-même assez proche du niveau mondial (15 %). À en croire l’étude, il semble donc que la planète entière s’ennuie au travail. Surtout, la méthodologie relève de l’évaluation indirecte. Comme l’analyse The Conversation, les résultats sont fondés sur une douzaine de questions ayant trait plutôt à la qualité de vie au travail (QVT). Le média a réalisé une étude avec BVA en posant directement la question aux intéressés, et arrive à un résultat très différent : selon cette enquête 87 % des salariés se sentent engagés dans leur travail, dont 26 % « très engagés ». Les dirigeants, également interrogés, confirment ces proportions. Des chiffres aux antipodes de ceux de Gallup : 9 salariés sur 10 non engagés d’un côté, 9 engagés sur 10 de l’autre.

Comment mesurer le désengagement dans l’entreprise ?

Pas sûr, donc, que les collaborateurs français soient particulièrement désengagés. Et il est sans doute difficile d’obtenir une réponse précise à une question qui, finalement, ne l’est pas tant que ça : après tout, tout le monde ne donne pas le même sens à cette notion d’engagement. Un salarié à qui l’on pose la question de but en blanc pourra répondre « oui » parce qu’il estime faire son travail de son mieux, le trouve intéressant, ou se sent bien avec ses collègues. Cette difficulté se retrouve de façon accrue à l’échelle de l’entreprise, où on n’imagine guère un employeur ou un DRH demander aux collaborateurs « vous sentez-vous désengagés » ? L’évaluation du désengagement ne peut passer que par une méthode indirecte.

A l’échelle collective, deux indicateurs servent traditionnellement de boussole : le turnover et l’absentéisme. Mais ces deux données ne suffisent pas : elles servent surtout de signal d’alarme quand la situation est très dégradée. Il en va de même pour les indicateurs de performance : si les résultats de l’entreprise sont en baisse sans cause exogène, on peut craindre un problème managérial important et un désengagement massif.

A l’échelle individuelle, l’analyse des évaluations annuelles, mais aussi des entretiens professionnels, fournit des signaux importants, que le manager doit pouvoir détecter. Encore faut-il pouvoir analyser de façon systématique l’ensemble des données concernant le collaborateur – son parcours, ses absences, son appétence pour la formation, ses attentes, ses frustrations…

La consolidation des données individuelles permet à son tour de mesurer le désengagement au sein d’un département ou de l’entreprise. Le digital vient ici au secours des managers et des services RH, en permettant à la fois la collecte, la conservation, l’interrogation et l’analyse des données.

Le désengagement peut se traduire de multiples façons : l’absentéisme, le présentéisme hostile, ou encore le présentéisme passif, peut-être le plus fréquent. Il peut être circonscrit ou se répandre comme un virus au sein des équipes. Il peut aussi être d’une intensité plus ou moins grande. Mais d’où vient-il ?

Quelles sont les causes du désengagement ?

Les déterminants du désengagement sont nombreux : il s’agit d’un phénomène multifactoriel.

Il peut bien sûr avoir des causes individuelles, liées à des événements dans la vie d’un collaborateur. Face à ces situations, le management n’est pas impuissant, au contraire : la capacité à écouter et à prendre en compte les difficultés d’un collaborateur peut l’aider à surmonter ses difficultés, et susciter par la suite davantage d’engagement, dans un scénario idéal.

Le désengagement a également des causes managériales et organisationnelles connues comme le manque de reconnaissance, le manque de sens, l’insuffisance des rémunérations, l'absence de perspectives d’évolution professionnelle, un défaut de partage d’information, une communication interne défectueuse, entraînant une perte de sens, une absence d’écoute et de feedback, suscitant un sentiment d’impuissance...

Là encore, le digital, bien utilisé, peut apporter des solutions, en permettant de détecter par l’analyse des données et des retours les causes et les « poches » de désengagement. L’outil digital permet également de mettre en place des boucles de feedback efficaces, et de contribuer à envoyer aux collaborateurs le signal qu’ils sont écoutés et que leurs opinions sont prises en compte. Le digital RH promeut ainsi un collectif dans lequel des solutions, services et innovations RH peuvent être co-construites, sous l’égide de la DRH.

Les crises, souvent, sont des moments où le désengagement se révèle. Toutes les entreprises n’ont pas vécu les confinements, le télétravail ou l'instauration d'un modèle hybride de la même façon : certaines équipes ont mieux résisté que d’autres. Le risque de désengagement a en outre augmenté, avec l’isolement que peut susciter le travail à distance. De plus, les formes de travail hybride donnent un rôle accru aux managers dans la détection et la prévention du désengagement. Ce doit être un aspect essentiel de la formation des managers à la gestion d’équipes à distance, que les entreprises s’accordent à considérer comme une priorité de l’après-crise. La période actuelle peut servir de déclencheur pour mettre en place une vraie politique RH d’expérience collaborateur, qui seule peut permettre de prévenir systématiquement le désengagement et le traiter lorsqu’il survient.